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- L'Epi d'Or au graulhétois Pierre PERRY
Monsieur Jean-Pierre RAMONDOU natif de Graulhet m'a transmis divers documents sur le grand-père de son arrière grand-père : Pierre PERRY né à Graulhet en 1781 et décédé en 1866 habitant Faubourg Saint-Jean et dont la profession était mégissier. Cette personne a obtenu en 1860, le prix de l'Amour du Travail, décerné à Albi. Ce prix a été créé selon les volontés de Monsieur Jean-Pierre RODIERE, docteur en droit.
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Monsieur RAMONDOU m’a donc fait parvenir les deux textes parus dans Le Journal de Toulouse relatant la remise du prix et bien sûr le diplôme – pièce maîtresse de cet article - remis à Pierre PERRY. J’ai pu retrouver d'autres informations qui permettent de mieux cerner cette récompense : un article dans Le Journal de Toulouse daté du 29 décembre 1859 qui dresse un portrait de Monsieur Jean-Pierre RODIERE, également un article paru dans La semaine religieuse de l'Archidiocèse d’Albi n° 41 du 13 octobre 1906 précisant l'évolution de ce prix (son fils a continué l’œuvre de son père), et diverses autres indications parues dans la Revue historique, scientifique et littéraire du département du Tarn en 1907 ainsi qu'un portrait du fils de Monsieur RODIERE déniché sur le site tolosana.univ-toulouse.fr. J'ai pu retrouver cette récompense à Graulhet à la Chambre Syndicale Patrons Mégissiers, vous découvrirez en fin d'article quelques photos.
La semaine religieuse de l'Archidiocèse d'Albi : organe officiel hebdomadaire de l'archevêché n° 41 du 13 octobre 1906
Prix de l'amour du travail.
Par son testament du 2 janvier 1847, M. Jean-Pierre-Paul Rodière, docteur en droit, décédé à Albi, le 19 décembre 1847, a légué à la ville d'Albi (Tarn) une somme de 3,000 francs dont les intérêts sont destinés à décerner, chaque année, à titre de prix, un épi d'or à celui qui avec la seule condition d'être né ou naturalisé français, sera proclamé par le Conseil municipal de la ville d'Albi mériter le prix de l'amour du travail, sans distinction de profession, de rang, de « secte, d'âge ni de sexe. » Ce legs s'est accru d'une nouvelle rente donnée par M. Aimé Rodière, professeur à la Faculté de droit de Toulouse, fils du fondateur. Le prix a atteint ainsi une valeur de 244 francs. D'après les intentions du testateur, ce prix doit être décerné annuellement et à perpétuité, à l'Hôtel de la Mairie d'Albi, le jour anniversaire de son décès, ou le dimanche le plus rapproché de cette date. Les demandes d'admission au concours pourront être faites, soit par le candidat lui-même, soit par des tiers ; mais notamment par les autorités du lieu où réside la personne présentée. Chaque demande sera accompagnée d’un mémoire détaillé indiquant : les noms, prénoms, lieu de naissance, âge et profession du candidat ; sa position de famille et de fortune, ses habitudes, sa conduite, la nature et les résultats matériels et moraux de son travail, enfin tous les faits spéciaux qui peuvent lui donner des droits à l'obtention du prix. Ce mémoire, signé des voisins et des notables du pays, sera soumis au Maire de la commune, qui certifiera les faits y énoncés. Les pièces doivent être parvenues, franches de port, au secrétariat de la Mairie d'Albi, avant le 15 novembre prochain.
Le Journal de Toulouse – politique et littéraire - en date du 29 décembre 1859 relate la remise du premier Prix de l'Amour du Travail mais surtout nous fait un portrait de Monsieur RODIERE créateur de ce prix.
On nous écrit d’Albi, le 28 décembre.
Distribution des prix de l'amour du Travail.
M. Rodière, docteur en droit, ancien avoué près le Tribunal, a fondé dans la ville d'Albi un prix de l'amour du travail ; ce prix consiste en un épi d’or de la valeur de 200 francs. Tous les ans, le Conseil municipal est appelé à choisir parmi les concurrents celui qui s’est fait le plus remarquer par l'amour du travail, sans distinction de domicile, d’age, de sexe ou de condition. Pour la première fois, cette année, le Conseil municipal était appelé à décerner le prix :M. le Maire a voulu rehausser la valeur de ce prix par l’éclat de la fête qui devait présider à sa distribution. Hier au soir, la ville entière s’était donné rendez-vous dans la grande salle de la mairie, brillamment illuminée et décorée. M. le Maire a pris place au fauteuil, ayant à ses côtés Mgr l’archevêque, M. le président du tribunal civil d’Albi, le Conseil municipal et les principaux fonctionnaires du département et de la ville. Dans un discours aussi remarquable par le style que par les pensées, M. le Maire a fait l’éloge de M. Rodière, il nous a montré cet homme honorable, parcourant une longue carrière de travail, de fatigues et d’étude, et qui, non content de donner sa vie en exemple, a voulu, même après sa mort, honorer et récompenser le travail dont il avait fait son culte. Nous regrettons que les bornes de votre journal ne nous permettent pas d'insérer le discours de M. Bermond. Nous nous bornerons à en extraire le récit sommaire de la vie de M. Rodière. Fils d'un ouvrier imprimeur, ouvrier imprimeur lui-même, il fut envoyé à Toulouse, où il fit de solides et brillantes études. L’Université de cette ville choisissait tous les ans les deux meilleurs élèves de philosophie et lis autorisait à dédier leur thèse l'une au Clergé, l'autre au Parlement. M. Rodière fut choisi pour dédier sa thèse au Clergé; M. Pinaud, mort conseiller à la Cour, dédia la sienne au Parlement. Appartenant à une famille d'ouvriers, M. Rodière ne put pas, faute de ressources suffisantes, embrasser une carrière libérale, et il quitta les bancs de l'Université pour rentrer dans l'atelier de son père. Une circonstance providentielle le fit entrer dans la carrière du barreau. Un jour en l'an IV, une affaire capitale est portée au Tribunal criminel du Tarn, à Albi; l'accusé se présente ci-devant ses juges sans l'assistance d'un conseil; le corps des avocats n'existait plus, il n'y avait alors que des défenseurs officieux. Le président du Tribunal, M. Gausserand envoie prendre par un huissier le jeune ouvrier imprimeur Rodière dont il avait entendu vanter le cœur et l'intelligence; Rodière arrive devant le Tribunal couvert de sa blouse de travail, et coiffé du traditionnel bonnet de papier, le président l'invite, au nom du Tribunal à défendre l'accusé traduit à sa barre; Rodière accepte ce périlleux honneur; il s'assied au banc de la défense; il plaide avec talent et habileté, et il fait acquitter l'accusé. Son début fut un triomphe. Cet incident lui traça sa voie, détermina sa vocation; dès ce jour, il étudia le droit et bientôt il prit place au barreau, dans lequel il sut conquérir et conserver l'un des premiers rôles. En 1822, il concourut pour la chaire de procédure à la Faculté de droit de Toulouse. Dans ce brillant concours, il donna la mesure d'un jurisconsulte profond, d'un orateur habile, d'un dialecticien consommé, l'opinion publique lui décernait le premier rang, un autre cependant fut jugé plus digne et lui fut préféré par le jury. Une éclatante et précieuse réparation lui était réservée ! En 1858, cette même chaire de procédure a été obtenue, à la suite d'un remarquable concours, par son fils, M. Aimé Rodière; aujourd’hui professeur à la Faculté de Toulouse, l'un des maîtres les plus considérés de la science du droit... Après le discours de Monsieur le Maire, M. Esquilat, conseiller municipal, a fait le rapport sur le concours. Quinze candidats s'étaient fait inscrire, les titres de tous étaient sérieux et chacun d'eux, pris isolément, pouvait légitimement prétendre au prix; le conseil municipal ne pouvait cependant qu'en choisir un, et il a fallu rechercher le plus digne. Ses suffrages se sont portés sur M. Chamayou, agriculteur et meunier, demeurant au Moulin de Cantegrel, commune de Teillet : deux mentions honorables ont été accordées; la première, à M. Boyer, employé au greffe du Tribunal civil d'Albi; la seconde à M. Cavalié, libraire à Lavaur. M; Chamayou a reçu des mains de M. le Maire, l'épi d'or; et il a remercié le magistrat en quelques paroles simples, mais bien senties. Le prix fondé par M. Rodière produira, nous l'espérons d'heureux résultats: il est bon, il est utile que le peuple voie que le travail est honoré et récompensé, et que les travailleurs ont, eux aussi, leur jour de fête !
Le Prix de l'Amour du Travail
Le Prix de l'Amour du travail créé par Jean-Pierre RODIERE
et continué par son fils Aimé RODIEREPortrait d'Aimé Rodière, peint sur toile.
(Université Toulouse 1 Capitole) cl. AD Haute-Garonne----------------------------------------------------
Extrait de la Revue historique, scientifique et littéraire du département du Tarn 1907 - Petit article sur le Prix de l'Amour du travail créé par Jean-Pierre RODIERE et continué par son fils Aimé RODIERE
Vaillant comme Perry !
Articles retranscrits à partir du texte original
LE JOURNAL DE TOULOUSE DU VENDREDI 21 DÉCEMBRE 1860
Albi 19 décembre.
...Dans la même séance M. Cassan a fait un rapport sur le mérite des candidats qui se sont présentés pour recevoir le prix de l’Amour du travail. On sait que M. Rodière, docteur en droit, ancien avoué au Tribunal d’Albi, a donné à la ville une somme de 3000 fr dont l’intérêt doit servir tous les ans à l’achat d’un épi d’or, décerné à la personne que le Conseil municipal jugera en être plus digne. Cette année, les neuf candidats dont les noms suivent s'étaient présentés :
M. Barthélémy (Prosper), ancien principal du Collège demeurant à Florenzac (Hérault)
M. Bernard (Philippe) forgeron à Albi
M Boulade, bottier à Albi
M. Cavalié, libraire à Lavaur
M. Chamayou , meunier à Cantagrel commune de Teillet
M. Dardé. avoué au Tribunal civil de Carcassonne
M. Fabry (Jean-Baptiste), agriculteur à Teulet
M. Perry (Pierre) mégissier à Graulhet
M. Regourd ( Guillaume), agriculteur à Lescure
Le conseil a décerné le pris à M. Perry.M. Perry est un vieillard de 80 ans, sa longue carrière a été un perpétuel et édifiant exemple de vertu, de dévouement, de travail et de charité: toujours à l'ouvrage à deux heures du matin, il ne quitte son travail que fort tard dans la soirée; on ne l’a jamais vu dans un cabaret ou dans un café, il ne connaît que le chemin de l’église et de l’atelier, père de dix enfants, il les a tous élevés honnêtement et chrétiennement; son père et sa mère sont restés pendant de longues années infirmes et souffrants, il les a soignés et entretenus avec constance et affection; un de ses oncles tombe dans la misère, il vient à son aide et lui donne un peu de son pain; deux tantes vieilles et infirmes restent sans asile et sans ressources; il les recueille chez lui, les soigna et les nourrit, l'une pendant cinq ans, l’autre pendant vingt, M.Perry est on peut le dire, le modèle de l'ouvrier laborieux, sage, économe et rangé, aussi est-il passé en proverbe dans le pays: lorsqu’on parle d’un ouvrier ardent au travail, assidu à l'ouvrage, attentif à tous ses devoirs, on dit de lui: Vaillant comme Perry,
Le conseil municipal décernera l'épi d'or à M.Perri, dimanche prochain, à 2 heures en séance publique.
LE JOURNAL DE TOULOUSE DES 26/27 DÉCEMBRE 1860
Albi, le 24 décembre 1860
Hier, dimanche, le Conseil municipal a décerné, en séance publique, dans la grande salle de la Mairie, la prix de l' Amour du travail à M. Perry, que les suffrages unanimes avaient appelé à cette flatteuse distinction. Le lauréat occupait un siège réservé dans l'enceinte.
M. le Docteur Cassan a prononcé, au nom du Conseil municipal, l'allocution suivante :
Messieurs,
Il y a aujourd'hui treize ans, presque jour pour jour, que s'éteignait à Albi, dans un âge fort avancé, un homme qui, né pauvre et sans appui, était arrivé, par la seule puissance de son intelligence et par sa laborieuse activité, à avoir parmi nous une position élevée et une fortune considérable. Cet homme, qui devait tout à un labeur constant et opiniâtre, a voulu, même après sa mort, honorer ce travail qui avait été l'unique source de son bien-être et de sa fortune, aussi a-t-il légué au travailleur le plus assidu, une récompense qui doit être distribuée, tous les ans dans notre ville, à celui que ses travaux auraient fait le plus méritant, sans aucune distinction d'âge, de sexe ou de naissance ; C'est pour accomplir les dernières volontés de Monsieur RODIERE, qui furent encore un hommage au travail, que nous sommes réunis aujourd'hui pour décorer pour la seconde fois, l'épi d'or au plus digne.
Plusieurs candidats se sont présentés, cette année, pour obtenir le prix de l'Amour du travail ; après avoir mûrement pesé les titres et les droits de chacun d'eux, le Conseil municipal a arrêté définitivement son choix sur un infatigable travailleur de la commune de Graulhet, dont je vais en peu de mots, Messieurs, vous retracer la vie.
Pierre Perry, mégissier à Graulhet, âgé de 80 ans, naquit d'ouvriers pauvres, et fut obligé, dès sa plus tendre enfance, d'apporter à sa famille son contingent de travail, pour l'aider à gagner le pain de chaque jour; il finit à 14 ans son apprentissage de mégissier, état dans lequel il se perfectionna à Milhau pendant deux ans.
De retour à Graulhet, son travail assidu servit tout d'abord à soulager les besoins de son père et de sa mère, déjà fort avancés en âge ; marié en 1805, de nouvelles charges vinrent le forcer à redoubler d'activité et d'ardeur, car sa famille augmentait tous les ans et ses vieux parents, étant devenus paralytiques, étaient incapables de se livrer à aucune occupation. Perry les soignait avec un dévouement admirable, et l'amour du travail grandissait chez lui avec ses besoins ; son père et sa mère n'étaient pas les seuls parents qu'il eût à entretenir, il nourrissait encore un de ses oncles paternels, habitant Lasgragnes et l'allait voir toutes les semaines ; en outre il nourrit et garda chez lui deux tantes infirmes, l'une pendant vingt ans, l'autre pendant cinq ans. Pour suffire à toutes les charges de sa position, Perry ne donnait que peu d'instants au sommeil ; toujours levé à deux heures du matin, il consacrait au travail les moments de repos que prenaient les autres ouvriers, et c'est de cette manière qu'en dehors de la journée qu'il devait à son maître, il parvint à travailler pour son propre compte et à augmenter ainsi ses modestes ressources; il ne se reposait pas, même en prenant ses repas, car sa femme le faisait manger, afin que ses occupations manuelles ne fussent pas interrompues; quand il avait fait une longue course, le travail le délassait encore de ses fatigues, et l'on ne vit jamais d'ouvrier plus ardent et plus opiniâtre. Ayant réalisé, à deux différentes reprises, une petite fortune, fruit de ses labeurs, il eut le malheur de la perdre par des faillites. Pas une plainte ne sortit de sa bouche, confiant dans la puissance du travail, ce fut toujours à l'adresse et à la force de ses bras qu'il redemanda la fortune perdue; grâce à cette constance laborieuse il a pu établir convenablement sa nombreuse famille et abriter chez lui, pendant vingt ans, une de ses filles, restée veuve, un enfant.
Perry est demeuré toujours fidèle à ses devoirs religieux. Il n'a jamais mis le pied dans un cabaret, aussi sa santé s'est-elle conservée robuste et vigoureuse, malgré, son grand âge et le travail opiniâtres auquel il s'est livré toute sa vie. Arrivé aujourd'hui à une extrême vieillesse, il n'a pas une infirmité et fait encore chaque jour le travail d'un ouvrier ordinaire ; que vous dirons-nous encore, Messieurs, tous les habitants de Graulhet attestent la vérité des faits que nous venons de vous signaler, nous n'ajouterons qu'un seul mot qui, seul, résume tout l'homme. Perry a passé en proverbe, et lorsqu'on veut faire, à Graulhet, l'éloge d'un travailleur, on dit : Vaillant comme Perry.
Tels sont, Messieurs, les titres qui ont motivé le choix du Conseil municipal.
Venez, Perry venez, noble ouvrier du labeur opiniâtre recevoir la récompense que méritent votre assiduité et votre amour du travail.»
M.le Maire a invité M. Perry à venir recevoir l’Épi d'or. M. Perry s'est avancé, et il a remercié le Conseil municipal de l'honneur qu'il lui faisait en lui accordant un prix dont il comprend toute la valeur. « Cet Épi d'or a-t-il dit, je veux le transmettre à mes enfants et à mes petits fils comme un titre d'honneur pour la famille, et comme un encouragement à se montrer toujours ouvriers laborieux et probes ». Vaincu par l'émotion, M. Perry a fondu en larmes, et il a regagné sa place en recevant des témoignages unanimes d'estime et de sympathie.
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L'Epi d'Or n'est pas en possession des descendants de la famille PERRY, mais cette récompense est tout de même à Graulhet , dans les locaux de la Chambre Syndicale Patrons Mégissiers....en voici quelques photos....
Merci à Monsieur Jean-Pierre RAMONDOU et à Suzanne et Albert CATHALAU
Tags : épi d'or, graulhet, albi, rodière, perry, ramondou, travail, amour
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Commentaires
Bonjour Monsieur François Mazens
Il me serait agréable que vous m'appeliez au 06 79 32 90 43 au sujet de l'épis d'or
Cordialement