• - 1862 - Incendie du 25 mars 1862

     - Incendie du 25 mars 1862

     

    Dans la nuit du 25 mars 1862, le quartier Saint-Projet était en flammes. Le commissaire de police Antoine Villeneuve a relaté cette catastrophe (reproduite dans quelques publications) qui l'assortit d'un plan, calqué sur le cadastre, et qui, par la numérotation des immeubles détruits, permet de suivre le développement monstrueux de ce gigantesque sinistre- En voici le récit et le plan d'époque et une copie du plan avec des indications actuelles.

    LE PLAN INÉDIT

     - Incendie du 25 mars 1862

    Version annotée par Mémoires de Graulhet
    (cliquez sur l'image)

     - Incendie du 25 mars 1862

    Le 25 mars, à dix heures du soir, nous trouvant dans la rue de Lapeyrade, nous entendîmes crier « Au feu », à la fabrique d’Azémar, dit le Compagnon nous nous rendîmes immédiatement sur les lieux indiqués et nous avons remarqué le feu au premier des n°3 et 4. Le n°3 était plein de sarments de vigne et le n°4 plein de fourrage. M. Bécus, juge de paix était sur les lieux, et M. Marty, adjoint au maire. Nous avons fait former deux chaînes, avec les gens qui arrivaient. Bientôt après, M. Calmettes, secrétaire de la Mairie, est arrivé avec les deux pompes. Le tocsin sonnait l'alarme. Les pompes ont été placées dans la rue de la Ville Haute et cherchaient à empêcher les flammes d'envahir les n° 13 et 50, les n° 5, 6 et 1 étant déjà en feu ; mais le vent d'autan soufflait si fort et avec tant d'impétuosité qu'on aurait dit l'enfer déchaîné ; les pompes purent seulement préserver le n°50 ce qui empêcha encore de plus grands désastres et de plus grands malheurs. Le n° 17 fut enflammé par une flammèche, tandis que le n°13 ne l'était pas encore. Alors tout secours devint impuissant, car le passage de la rue Saint Projet devint impossible à cause de la fumée et de la violence avec laquelle le vent lançait les étincelles contre les maisons de Saint Projet (côté ouest). Bientôt après, une autre flammèche lancée par le vent allumait le couvert du n°37 puis le n° 47 et les étincelles volaient hors ville à un kilomètre, frappant où elles tombaient comme un ouragan de grêlons, et par une nuit des plus obscures.

    De concert avec M. Bécus, juge de paix, et M. Salvan, brigadier, il fut décidé d'envoyer de suite un gendarme à Lavaur et à Gaillac pour demander du secours. Dès ce moment, tout espoir était perdu ; la désolation était partout ; chacun déménageait son mobilier. Avec les autorités présentes nous résolûmes de couper à trois points pour sauver ce que nous pourrions. M Marty faisait toujours maintenir la chaîne pour sauver le N° 50, et la totalité était à leurs maisons pour sauver les meubles.

     
    À une heure, le vent parût s'apaiser un peu et tourner plus du côté du sud. Pour aller d'un côté du feu à l'autre, il fallait contourner la ville, ce que nous avions fait plusieurs fois. Le feu était au n°23 et allait envahir tout le haut de chaque côté de la rue Saint Projet, composé de cinquante maisons parmi lesquelles est la gendarmerie et plusieurs grandes maisons. Nous décidâmes de faire couper le n°26, mais tous les charpentiers étaient absents ou au feu du côté du nord, c'est-à-dire vers la place du Mercadial, et plusieurs occupés à déménager chez les pratiques qu'ils servent.

    La nuit était des plus obscures et le vent des plus violents qui ait existé. Nous dûmes non pas requérir, mais prier pour trouver des personnes pour monter sur le toit, malgré la précaution que nous eussions eu de faire pratiquer une ouverture dans la toiture du n°26 que nous voulions abattre pour couper le feu. Il était alors deux heures et demie et la nuit était longue. Les sieurs Truquet Louis, charron, et Laroque Louis fils se présentèrent et montèrent les premiers. Saulière Hilaire, maçon, les suivit, puis Ségur Charles, Deloustal Charles, Mauriès Paul, maçon, et Barthez Pierre aussi maçon. Dans un instant, les n°26 et 25 n'avaient plus de couvert. A trois heures, le feu arrivant à ce couvert, sans bois ni briques, dût s'arrêter ne trouvant pas d'aliment et fut tenu dans cette position par une pompe placée du côté de l’est et qui donnait sans cesse de l'eau au mur de mitoyenneté des n°25 et 26. Par ce moyen le feu fut circonscrit, sachant fort bien que le n°34 serait livré aux flammes, mais comptant sur le mur du côté du sud et le vide qui venait après. La position fut ainsi gardée jusqu’à cinq heures, luttant avec au-delà de toute épreuve ; heure à laquelle M. le Sous-Préfet de Lavaur arriva. Les sapeurs pompiers de Lavaur et de Gaillac, sous les ordres de leur chef M. Couzy, architecte de la ville de Lavaur, lieutenant commandant la subdivision des sapeurs pompiers de Lavaur, et M. de Vesine Larue, sous-lieutenant de la même compagnie, ont été immédiatement, ainsi que M. Cantelause, sous-lieutenant de la compagnie de Gaillac, prendre possession des quatre postes désignés sous les n°26, 34, 42 et 48, que ces divers officiers ont trouvé bien pris et ont continué l'attaque que nous avions commencée, et sous les ordres de M. Couzy qui a pris le commandement. A partir de ce moment le feu a été circonscrit dans d’étroites limites.

    Nous avons remarqué avec quel zèle et quelle intrépidité infatigable Couzy a dirigé l'action ou le travail sur tous les points, donnant des ordres et les faisant exécuter avec art et intelligence ; partout où le danger était imminent, on était sûr d'y rencontrer cet officier, cherchant à le conjurer ; et habilement secondé par son lieutenant M de Vesine-Larue et le sous-lieutenant de la compagnie de Gaillac, il a pu en quelques heures se rendre maître du feu qui menaçait de réduire en cendres toute la ville. M. Couzy s'est surtout distingué en arrêtant le feu dans la rue du Cardenal n° 48, en se livrant lui-même à une manœuvre aussi habile que dangereuse, et en tenant sur la brèche les hommes que le feu et le vent menaçaient à tout instant de renverser et d’asphyxier. Cet officier dont le courage semblait grandir au fur et à mesure que le danger devenait plus for, alors que le vent et les flammes devenaient plus courroussés, monta à travers une échelle en crochets fixée à un mur isolé et dont les oscillations étaient effrayantes qui formait une barrière contre les opérations entreprises par lui et par les pompiers de Gaillac pour garantir le quartier de la place du Mercadial. Nous devons ajouter qu'un militaire du 68° de ligne, ayant voulu s'aventurer, malgré la défense qui lui en avait été faite, sur un plancher qui a croulé, M. Cousy l'a empêché de se précipiter dans les flammes au moment où il recevait sur la nuque un pan de mur qui le mit tout en sang. M. Cousy a eu la figure brûlée.

    Nous avons dû signaler cet officier le premier comme étant le chef. Mais arrive le tour de son sous-lieutenant, M. de Vésine Larue qui était chargé des deux points 26 et 34. Jeune officier plein de courage et d'intrépidité, nous l’avons toujours vu à son poste, payant de sa personne, combattant l'incendie avec force, et surtout avec une intelligence qui a fait l'admiration de tous. Ainsi vers midi un point de la chapellerie Poujal n°24 menaçait de tout envahir ; cet officier ordonna de se porter à cet endroit ; tout le monde hésite et se refuse, vu le danger ; M. de Vesine prend lui-même la lance et se porte sur ce point, y reste pendant plus de dix minutes, et n'en sort que lorsqu’il sent les murs voisins s'écrouler. Peu d'instants après, voyant que trois hommes étaient à un poste dangereux et que le vent empêchait d'entendre l'ordre de retraite que M. de Vesine s'efforçait de leur donner, il s'élance vers eux et les retire ; il était temps, car le mur sur lequel ils étaient croula aussitôt, miné par l'incendie. M. de Vesine, dans la retraite tomba sur le plancher inférieur, entraînant avec lui une poutrelle qui lui fit des contusions à une jambe et prit même une entorse au genou de la jambe gauche ; cependant cet officier reprit son poste et le garda malgré ses souffrances. Mais il fut contraint d'aller se faire soigner à la pharmacie de M. Frayssé. En outre, sans le secours de M. de Vesine, on aurait eu à déplorer la perte d'une autre maison, car un foyer incandescent la menaçait. Nous devons aussi signaler le sous-lieutenant Cantelause de Gaillac pendant tout le temps qu'a duré l'action, a été d’une activité et d’une énergie à toute épreuve pour faire exécuter les ordres que lui transmettait le chef des pompiers de Lavaur. À une heure sont arrivés les pompiers d'Albi et de Réalmont qui ont aidé ceux déjà sur les lieux du sinistre et ont participé à la concentration du feu dans les limites qui lui avaient été tracées. M. le Préfet du Tarn est arrivé à une heure avec son conseiller, M. le Baron Tridoulat. La présence de ces deux magistrats a ranimé le courage de la population qui a travaillé avec ardeur, malgré la fatigue qu’elle supportait depuis la veille à dix heures du soir. Le nombre des maisons incendiées est de 48. Vingt-sept sont assurées à diverses compagnies. Elles contenaient 160 personnes qui sont sans abri. Les pertes peuvent être évaluées à trois cent mille francs.

    Nous devons signaler M. Bécus, juge de paix, et M. Salvat, brigadier de gendarmerie qui n'ont pas quitté le côté nord de l'incendie, tandis que nous étions du côté sud. M. Marty, adjoint, faisait travailler à la chaîne. M. le Maire Burguère et M. Pinel, adjoint, étaient à leurs maisons, marquées au plan A et B, qui étaient en danger. Nous devons encore signaler M. Ricard, employé des Contributions Indirectes, qui par son intrépidité et son dévouement n'a pas cessé un instant de travailler en se mettant dans l'eau et d'encourager par son exemple ; MM. Truquet Louis, charron, Laroque Louis fils, Saulière Hilaire, Ségur Charles Deloustal Charles, Mauriés Paul et Barthez Pierre signalés plus haut, ainsi que Laroque Louis père, Calvel Philippe, cantonnier chef Voisin Philippe facteur rural, Farenc Joachim, maçon, Escabout Louis, Bécus père et fils, maçons, et Jamme Philippe qui battait le tambour de ville tandis que le facteur Voisin lui sauvait deux enfants en bas âge qui allaient être brûlés.
    Au profit des victimes de l'incendie s'organisèrent dans toutes les villes du département des souscriptions, des concerts, des loteries, etc. Le dimanche de la Passion, à l'initiative de J.-J. M. Eugène, archevêque d'Albi, l'on quêta dans toutes les églises. Et, entre autres manifestations de solidarité, eurent lieu les 1 et 2 juin à Toulouse, au Pré-Catelan, un grand festival et un grand concert donné par des artistes spécialement venus de Paris.


    Dès le 7 avril, le notaire Legros suggéra “de doter les générations à venir d'une place et d'une halle” à l'emplacement des immeubles détruits. Le 6 août, l'idée fut adoptée par le conseil municipal (qui décida aussi de construire un aqueduc sur le ruisseau du Verdaussou pour agrandir la place du Mercadial). La construction de la Halle fut achevée en février 1866 (et démolie en 1981)

     - Incendie du 25 mars 1862

     - Incendie du 25 mars 1862

     

     - Incendie du 25 mars 1862

     


    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :